Quand Ronan O’Gara recadrait de jeunes qui portaient le maillot de Toulouse : “Mais comment oses-tu !”

Il est de ces défaites qui résonnent plus fort que d’autres. Samedi 5 avril, La Rochelle a quitté prématurément la Champions Cup, éliminée dès les huitièmes de finale. Et le revers n’a rien d’anodin pour Ronan O’Gara, manager des Maritimes depuis 2019.

Non seulement parce qu’il marque la fin d’une épopée européenne qu’il avait brillamment menée avec deux titres consécutifs en 2022 et 2023, mais surtout parce qu’il a été infligé par le Munster, son club de toujours, sa maison.

Dans une chronique poignante publiée dans The Irish Examiner, l’ancien demi d’ouverture irlandais a ouvert son cœur, partagé entre devoir professionnel et émotion personnelle. Lui, qui avait porté les couleurs du Munster pendant seize saisons et écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de la province, a vu ses anciens coéquipiers mettre un terme au parcours de “son” Stade Rochelais, vainqueur à Deflandre 25-24.

“Je me souviens très bien que tout ce que je voulais faire quand j’ai quitté le vestiaire du Munster en 2013, c’était entraîner le Munster”, écrit-il.

“Puis, on sort et on voit les choses un peu différemment. Les objectifs changent. Les opportunités se présentent, on ne sait pas où ça va nous mener.”

Le destin, ironique parfois, a voulu qu’il retrouve son passé en face, sur la pelouse. Avant même le coup d’envoi, O’Gara sentait que ce match ne ressemblerait à aucun autre.

“C’est peut-être le timing, la routine dans laquelle on est, mais je sous-estime complètement la montée en puissance, l’occasion. Je le sais. Je pense que ça va commencer dans les 20 secondes avant le coup d’envoi, je vais y aller, c’est trop cool.”

Mais le manager le sait : l’émotion ne doit pas prendre le pas sur la lucidité.

“Mais il va falloir que je me ressaisisse vite. Je ne suis pas un supporter. J’ai un plan et je dois bien regarder le match en direct.”

Une défaite sur fond de souvenirs familiaux

Ce choc face à ses anciens frères d’armes a résonné jusque dans la sphère intime. O’Gara partage ainsi une anecdote touchante sur ses enfants, pris entre deux cultures, deux couleurs.

Que porteront les enfants ce matin ? Les plus grands savent que papa a besoin d’une victoire, mieux vaut ne pas le froisser. Mais deux d’entre eux ont hésité toute la semaine, allant à l’entraînement de rugby avec des maillots du Munster.”

Une situation qui a déclenché un échange savoureux avec son épouse, Jess, qui lui a rappelé une leçon d’humilité et de relativité.

Ces dernières années, si je voyais un maillot de Toulouse dans la section juniors à La Rochelle, je me disais : ‘Comment oses-tu ?’ Et puis Jess m’a dit : ‘C’est exactement ce que les Français penseront cette semaine s’ils voient nos enfants porter des maillots du Munster ! Ce sera forcément le jaune et noir.'”

Le cœur partagé, mais le rugby en héritage

Dans ce moment suspendu entre défaite professionnelle et victoire de la mémoire, O’Gara a voulu conclure sur une note de fraternité et de respect, fidèle à l’ADN du rugby qu’il incarne depuis tant d’années.

“On joue un match aujourd’hui“, écrit-il. “Il y aura un gagnant et un perdant, et j’espère que tout le monde ira boire une pinte après. […] J’espère que chacun prendra 30 secondes de sa journée pour se souvenir des braves gens qui ne peuvent pas être là, ceux qui ne sont plus parmi nous et qui ont donné leur âme au Munster.”

À travers cette défaite, Ronan O’Gara n’a pas seulement affronté un adversaire. Il a croisé son passé, sa passion, et son identité. Un homme partagé entre deux ports d’attache, mais toujours guidé par le même amour du jeu.

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